Les chômeurs : malades ou malchanceux ?

Ce sont les élections et les partis politiques de droite s’amusent à taper sur les chômeurs pour espérer récupérer les voix des travailleurs. Les travailleurs doivent cependant comprendre qu’ils n’ont rien à gagner dans cette bataille. Les partis politiques leur font croire que s’ils doivent payer autant d’impôts c’est à cause des assistés sociaux (CPAS, chômage). Pensez-vous réellement que votre salaire net va augmenter si on chasse les chômeurs ou si le chômage diminuait ? Si les travailleurs en veulent tellement aux chômeurs et sont jaloux de leur mode de vie, rien ne les empêche de devenir des chômeurs également. Ils verront bien que ce n’est pas aussi agréable que cela en a l’air.

En allant voir deux services chez Actiris j’ai constaté qu’ils demandaient à certains demandeurs d’emploi (DE) d’être suivis par un psychologue ou un psychiatre plutôt que de les aider dans leurs démarches de recherche d’emploi. Actiris reconnaît que certains DE ne sont pas prêts à être réinsérés dans le marché de l’emploi. Il leur est demandé d’effectuer un travail sur soi concernant la place du travail (un emploi c’est juste pour gagner sa vie, il faut mettre ses préférences et ses valeurs de côté). Actiris veut préparer les demandeurs à accepter tout et n’importe quoi. Dans un futur proche, Actiris imposera aux demandeurs d’emploi des formations à des nouveaux métiers, une sorte de réorientation forcée dans les métiers en pénurie. Lorsque j’ai suivi une séance d’information pour un autre service d’Actiris, ils demandaient parmi les conditions obligatoires que le demandeur d’emploi ait fini sa thérapie psychologique/psychiatrique avant d’entamer une quelconque démarche. En tant que chômeurs de longue durée (LD), c’est la première fois que j’entends Actiris aborder ce thème et viser les DE en refusant de leur donner accès à certains services parce qu’ils seraient mentalement malades.

Croyances sur les chômeurs

Les chômeurs gagnent le même salaire qu’un travailleur : FAUX
Un chômeur isolé reçoit environ 1.300€ (comme le RIS/CPAS). C’est le seuil de pauvreté. Si un travailleur gagne aussi ce montant c’est qu’il y a un problème du côté de son employeur et du salaire qui lui est versé. Il n’est pas normal que le salaire minimum en Belgique soit si bas. Le problème est là : ce n’est pas le chômage qui est trop élevé, ce sont les salaires des travailleurs qui sont trop faibles. Les chômeurs parviennent à peine à survivre avec leur allocation de chômage.

Les chômeurs refusent de travailler : FAUX
Les chômeurs ne peuvent pas refuser un emploi proposé par les services publics qui les contrôlent. S’ils ne sont pas motivés par une fonction ou pour un salaire proposé, ils ont le droit de continuer à chercher du travail mais ils ne refusent pas de travailler pour autant. Ce sont les employeurs trop exigeants qui renoncent à les engager. Les DE continuent de chercher un travail qui corresponde à leurs besoins (ce qu’ils voudraient faire au salaire souhaité). Il n’est pas normal de contraindre des chômeurs à accepter des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés pour un salaire faible. On dit souvent aux chômeurs qu’ils devraient accepter n’importe quel travail en attendant tout en continuant de chercher un meilleur travail. Mais en réalité ce n’est pas aussi simple car ils auront des difficultés pour rechercher un nouvel emploi pendant qu’ils travaillent (moins de temps pour répondre aux recruteurs et impossibilité de s’absenter pour des entretiens).

Les chômeurs ne cherchent pas de travail : FAUX
Pour bénéficier des allocations de chômage, un demandeur d’emploi est régulièrement soumis à un contrôle où l’on vérifie qu’il a bien effectué des démarches qui lui permettent de sortir du chômage : suivre une formation, essayer de se réorienter ou de travailler à son compte, envoi de candidatures, etc.

Les chômeurs glandent toute la journée : FAUX
Que voulez-vous que les chômeurs fassent ? Est-ce que les fonctionnaires et ceux qui ont un bullshit job ne passent-ils pas eux aussi leurs journées à glander « au travail » ? Un demandeur d’emploi qui recherche activement du travail, qui essaie de se former ou qui travaille sur un projet comme indépendant travaille autant qu’un travailleur. La recherche d’un travail, la formation et la réorientation sont des activités qui demandent malheureusement beaucoup de temps mais surtout un suivi. Si une grande partie des chômeurs ont du mal à trouver du travail, se former, se réorienter ou devenir indépendant c’est parce que plusieurs facteurs viennent leur mettre des bâtons dans les roues.

Les chômeurs travaillent au noir et touchent le chômage : FAUX
Tous les chômeurs ne travaillent pas au noir. D’ailleurs l’Etat devrait être plus souple avec les gens au CPAS et chômeurs qui travaillent au noir étant donné que certains le font dans un premier temps pour essayer une activité professionnelle et évaluer si elle est rentable à long terme avant de faire les démarches de manière permanente et officielle. Les démarches qui existent actuellement ne sont pas adéquates et contraignantes. C’est la raison pour laquelle certaines personnes vont préférer travailler au noir plutôt que de déclarer l’activité (problèmes administratifs). S’il y avait davantage de contrôle des chômeurs qu’on soupçonne de travailler au noir, il y aura beaucoup moins de fraudeurs. D’autres le font à titre précaire et temporaire. Il est difficile pour une personne de travailler à plein temps au noir et d’effectuer à côté les démarches d’un chercheur d’emploi. En cas de contrôle, le chômeur qui travaille au noir aura du mal à justifier ses démarches actives comme chercheur d’emploi.

Les chômeurs (en particulier ceux de longue durée – LD) sont des personnes qui ont malheureusement été trop longtemps sans emploi qu’il devient difficile de retrouver un travail. Ils ne sont plus intéressants pour les recruteurs qui vont préférer une personne jeune ou qui est déjà dans le circuit professionnel.

C’est la raison pour laquelle plusieurs chômeurs abandonnés deviennent malades et encore plus difficilement employables, voir impossible à employer.

Le chômage est parfois un choc, un traumatisme ou une libération ? Est-ce que l’entreprise se débarrasse de vous (traumatisme) ou bien c’est vous qui vous êtes débarrassé d’un mauvais emploi (libération) ? Plusieurs chômeurs LD le sont suite à un burnout au travail.

Chômage et maladie

Est-ce que le chômage rend malade ou bien est-ce la maladie qui mène au chômage ?

Lorsqu’on lit les études sur les liens entre le chômage et les maladies, on peut lire souvent que les gens qui sont au chômage le sont parce qu’ils étaient déjà malades avant ! Mais il y a aussi ceux qui deviennent malades parce qu’ils ont été trop longtemps au chômage.

Les chômeurs (de longue durée) subissent des conséquences sur leur santé physique mais aussi, et surtout, mentale. Quel est l’intérêt public si tous les « chômeurs malades » devenaient des « malades de longue durée » ? C’est comme pour le chômage qui baisse où les allocataires basculent en réalité dans le CPAS (qui augmente). Cela aura pour seul effet de faire baisser les chiffres du chômage pour augmenter ceux des allocataires en incapacité de travail. Plus il y aura des gens en incapacité de travail (maladie) moins il y aura de chances qu’ils puissent retourner un jour dans le monde de travail.

Maladies physiques ou mentales fréquentes chez les chômeurs causées principalement par l’inactivité et le stress :
  • Incidents cardio-vasculaires, perte/prise de poids
  • Inactivité : depuis le COVID les recruteurs ont pris l’habitude de faire des entretiens en vidéoconférence = moins d’activité physique/sociale pour le DE qui ne doit plus se déplacer.
  • Insomnie à cause des « horaires de vie » complètement décalés (on n’a plus l’habitude de se lever tôt le matin et on vit la nuit. J’écris cet article à 04:00 du matin)
  • Chômage = pauvreté et précarité. Il devient difficile de se nourrir correctement et de vivre dans un logement/environnement correct.
  • L’ennui et ses conséquences
  • L’anxiété, la dépression, l’angoisse avec comme conséquences l’addiction à l’alcool, aux drogues, aux médicaments, au tabac
  • La frustration : les chômeurs reçoivent énormément de réponses négatives et perdent de plus en plus en motivation à continuer à chercher davantage de travail. Ce sentiment de frustration est davantage renforcé lorsqu’ils côtoient des travailleurs + incompétents (médiocratie)
  • Une baisse de l’estime de soi : les chômeurs se voient comme des victimes du système car ils voudraient bien travailler ou se lancer à leur compte mais ils n’y arrivent pas. Le manque de confiance en soi n’aide pas les chômeurs à devenir indépendant et trouver la motivation nécessaire et le courage pour démarrer leur propre activité.
  • Baisse de morale : plus le chômage perdure, plus le moral s’effondre. Il devient difficile d’être performant lors d’entretiens d’embauche. On est mal jugé par des employeurs qui manquent parfois de tact. La baisse de morale entraîne une perte de l’envie d’apprendre, de faire du sport, de sortir, de faire des activités, etc.
  • Des sentiments d’échec ou d’inutilité : les gens vous agressent régulièrement avec des expressions du style « Moi je travaille », « tu glandes », les chômeurs doivent faire des travaux d’intérêt général (terme généralement lié à une sanction judiciaire), etc.
  • L’isolement social : les chômeurs sont vus comme des fainéants et des parasites
  • Risques de suicide

Pour accompagner les personnes en recherche d’emploi, des associations plaident pour la mise en place d’une « visite médicale périodique tout au long du parcours de recherche d’emploi ». En France Pôle Emploi organise des séances de « Parcours Emploi Santé« . Comme je l’expliquais dans l’introduction, sachant qu’Actiris recommande de plus en plus aux demandeurs d’emploi d’être suivis psychologiquement, les chômeurs vont-ils avoir droit à des séances de méditation obligatoire ou des bons pour des séances de groupe chez des psychologues ?

Des études ont montré que les politiques de contrôle et de sanction des chômeurs ont un mauvais impact sur la santé des demandeurs d’emploi. Cela fait des années qu’on tape sur les chômeurs et le résultat est pourtant toujours négatif. Le chômage ne baisse pas réellement, il y a une rotation (précarité des emplois donc retour au chômage, indépendants qui abandonnent leur activité, passage obligatoire par le CPAS, départ à l’étranger puis retour, etc). C’est un cercle vicieux qui ne pourra être rompu que lorsque le système économique du pays sera transformé de manière à permettre à tous de travailler et vivre dignement (réduction du temps de travail, création d’emplois utiles dans le service public, assouplissement de l’imposition des indépendants et des charges sociales).

Liens

Mes autres articles concernant le chômage

https://www.santemagazine.fr/actualites/actualites-sante/oui-le-chomage-nuit-a-la-sante-900618
https://www.letemps.ch/economie/carrieres/nonemploi-gangrene-lame-psychiatres-savent-quelque-chose
https://www.cairn.info/travail-chomage-et-stigmatisation–9782804152826-page-65.htm
https://psychologue-hainaut.be/blog-lire-les-derniers-articles-sur-le-site-psychologue-hainaut/effets-du-chomage-sur-la-sante/
Demandeurs d’emploi : comment préserver sa santé mentale ?
https://www.vivreapres.fr/chomage/les-effets-psychologiques-du-chomage-et-leurs-remedes
https://www.cairn.info/revue-economique-2020-5-page-815.htm
https://www.rtbf.be/article/500000-invalides-dont-on-ne-parle-presque-pas-et-300000-chomeurs-dont-on-parle-souvent-cherchez-lerreur-11291667
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/desormais-pole-emploi-prend-en-charge-les-malades-du-chomage-de-longue-duree
https://www.huffingtonpost.fr/life/article/voici-ce-que-ressent-votre-corps-quand-vous-etes-au-chomage_174657.html


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